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NOTE D'INTENTION ARTISTIQUE

NOTE D'INTENTION ARTISTIQUE

Agnès Mellon

Le 5 novembre 2018, trois immeubles s’effondrent dans le centre ville de Marseille, causant la mort de huit personnes et créant une "dent creuse" entre le 61 et le 69 de la rue d’Aubagne. J’ai suivi le réveil des citoyens Marseillais après ce drame, au fil des marches, des colères, des revendications, des solidarités, des mobilisations et des affrontements. Puis d’autres colères se sont mêlées : les gilets jaunes, les femmes, le climat, les lycéens. J’ai alors tenté de capter l’expression symptomatique d’une colère plus large, imbriquant les pièces apparemment disparates d’un seul et même puzzle.

Ce travail s’inscrit dans le prolongement de mes recherches sur l’ambiguïté, la fragmentation et la confrontation des corps. Avec ce travail sur les manifestations de la colère, j’ai transposé le regard que j’exerce habituellement dans le cadre du spectacle vivant à des scènes de rue, passant des corps dansants à des corps révoltés, des gestes chorégraphiés et pensés à des mouvements instinctifs et imprévisibles. Il s’agit alors d’attraper dans ce flux d’émotions spontané, une main, un regard, une masse, un enchevêtrement de corps, un détail, un moment, un contraste, puis de les recomposer pour créer un récit intime, un imaginaire ouvert à de multiples interprétations. Les compositions, les fragmentations et la suspension des œuvres amènent, en effet, les visiteurs à se déplacer, découvrant de nouveaux angles de vue, de nouvelles perspectives. Le travail sonore de Chrystèle Bazin est venu donner une dimension supplémentaire à ce travail visuel, venant parfois renforcer la force des images, et d’autres fois dérouter, apporter du contraste ou un autre récit.

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Photo et composition Agnès Mellon, 2018.

Ce récit fixe, finalement, un morceau de notre mémoire collective qu’il m’a semblé essentiel de retranscrire, non pas factuellement à la manière d’un documentaire, mais de façon sensible par une approche photographique, sonore et plastique.

Dans ma démarche artistique, j’ai veillé à utiliser autant que possible des matériaux simples, parfois récupérés et détournés. Je voulais être proche, dans l’esprit, de la confection artisanale des banderoles, des slogans, des affiches collées sur les murs. En outre, il était pour moi important d’être dans une économie faible étant donné  le sujet de ce travail. Cela dit, la multiplicité des supports m’a permis d’apporter beaucoup de reliefs et de nouvelles textures à mes photographies. J’ai pu par exemple expérimenter l’impression directe sur textile et sur tôle que j’ai ensuite martelée.

Enfin, je n’ai pas voulu photographier des visages qui soient reconnaissables, j’ai joué avec la foule, la masse ou des détails de corps. En somme, je ne voulais pas donner un visage à la colère, je voulais que la colère puisse appartenir à tout le monde.

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