Agnès Mellon
Agnès Mellon cherche sans cesse de nouvelles matières et de nouveaux sujets pour révéler, déformer, fragmenter le corps, une matière qu’elle photographie depuis 15 ans. Le Festival d’Avignon, la sélection Suisse en Avignon, le Festival de Marseille, le Grand Théâtre de Provence, le KLAP Maison pour la danse, le théâtre du Merlan, le théâtre des Salins, le Mucem, le Ballet National de Marseille et bien d’autres encore font appel à son regard depuis des années. Cette interaction permanente avec ces grandes scènes culturelles l’amène à échanger avec de nombreux chorégraphes, metteurs en scène, danseurs, plasticiens dont le travail résonne avec le sien. Ces complicités l’accompagnent et l’aident à affirmer la diversité des expressions artistiques qui la définissent aujourd’hui : arts plastiques, art vidéo, scénographie et photographie bien sûr. C’est dans cette dynamique qu’elle produit, la double exposition DANS(E) ID(ENTITÉ) à Marseille en 2017, É(QUI)VOQUE à Martigues en 2018, LA DENT CREUSE, CARTOGRAPHIE DE LA COLÈRE aux Rotatives de la Marseillaise en 2019, à la Mairie du 1&7 à Marseille en 2020 et à la Cité des Arts de la Rue en 2021. Pour accompagner ce tournant artistique et faciliter les collaborations avec d’autres artistes et auteurs, l’association V-art·5 a été créée début 2018.
Le projet RÉALITÉ(S) est en cours de création et porte un regard sur les altérations mentales. Installation prévue à la cabane Giorgina à Marseille en 2021 et en 2022.


Démarche artistique
Je ne recadre jamais mes photos, si le cadre est mauvais, je jette la photo. C’est avec cette règle que j’ai progressé, que j’ai affiné mon regard, c’était une contrainte constructive. Selon moi, c’est le moment de la prise de vue qui me caractérise en tant que photographe. En revanche, lorsque je conçois une exposition, j’adopte une démarche de plasticienne, je fragmente mes photos, je joue avec différentes matières, je conçois les oeuvres en fonction du lieu. J’investis les halls, les murs, les escaliers, les couloirs, les recoins. La matière des murs et le mobilier présent deviennent des supports pour mes installations vidéo. Je photographie beaucoup les corps en longue focale. Je vais chercher la chair, le regard, la transpiration, ce que la présence du corps dégage. J’attrape un mouvement et je le recompose. Je crée mon propre récit, un récit intime, m’attardant sur une main, un pied, un enchevêtrement de corps. Hors de son contexte, l’image devient alors matière polymorphe et polysémique. Chacun peut, à son tour, se saisir de cet espace pour laisser sa vérité se révéler. Mon travail interroge les évidences, les rend douteuses, invite à embrasser l’ambiguïté.

Je découpe certaines photos et colle leurs fragments sur les murs et le vide laissé entre les fragments d’image crée alors un mouvement, une impulsion. Il produit des ellipses au sein d’une même image, un nouveau récit ou plutôt de multiples récits.

Je découpe certaines photos et colle leurs fragments sur les murs et le vide laissé entre les fragments d’image crée alors un mouvement, une impulsion. Il produit des ellipses au sein d’une même image, un nouveau récit ou plutôt de multiples récits.

Je découpe certaines photos et colle leurs fragments sur les murs et le vide laissé entre les fragments d’image crée alors un mouvement, une impulsion. Il produit des ellipses au sein d’une même image, un nouveau récit ou plutôt de multiples récits.
Je peux alors composer plusieurs oeuvres avec les mêmes fragments. Je fais également en sorte que chaque fragment devienne une photo en soi, indépendamment des autres. En fait, plus j’avance dans mon travail, plus je suis convaincue qu’il ne faut pas tout voir. Quand on donne à voir toute la scène, on ne voit plus rien. Ce qui m’importe, c’est de faire ressentir le non dit, de provoquer d’infimes variations de points de vue. Souvent, mes installations invitent les visiteurs à se déplacer pour découvrir des détails jusqu’ici invisibles, à l’instar de nos yeux qui s’habituent progressivement à la pénombre et finissent par percevoir de nouvelles nuances.

Certaines de mes oeuvres s’inspirent des trompe-l’oeil. Elles combinent plusieurs images qui semblent ne faire qu’une au premier coup d’oeil, mais qui provoquent un sentiment d’étrangeté. L’ambiguïté visuelle interpelle et nous pousse à interroger nos idées reçues, les réalités que l’on prenait pour acquises.


Certaines de mes oeuvres s’inspirent des trompe-l’oeil. Elles combinent plusieurs images qui semblent ne faire qu’une au premier coup d’oeil, mais qui provoquent un sentiment d’étrangeté. L’ambiguïté visuelle interpelle et nous pousse à interroger nos idées reçues, les réalités que l’on prenait pour acquises.


En plus de la fragmentation, je travaille sur la transparence. Je projette, par exemple, certaines photos sur des tulles ou des calques suspendus. Je produis alors un cadre tout en laissant s’échapper l’image qui traverse la matière, grandit et va vivre sur un autre mur plus loin, créant un ailleurs, indépendant de la première image. J’imprime également des fragments de photo sur du tissu de type organza. Les fragments possèdent alors une transparence naturelle. Ensuite, je les suspends et les éclaire de manière à faire varier les degrés d’opacité, à créer du relief, à renforcer certaines parties de l’image.

Mes images laissent une grande place au noir, il est pour moi un support à l’imagination, il ouvre le champ et laisse respirer le regard.
Ce noir est apparu quand j’ai commencé à resserrer mes cadrages sur des parties du corps et à désaxer mon regard. Je me suis rendue compte que l’on peut voir beaucoup de choses dans le noir. Le noir donne de la présence au corps, il l’enveloppe, le soutient, le porte littéralement et laisse s’échapper un pied, une main... Le vide est une autre façon de libérer cet imaginaire, il donne une autre perspective, une autre dynamique à l’image.

Mes images laissent une grande place au noir, il est pour moi un support à l’imagination, il ouvre le champ et laisse respirer le regard.
Ce noir est apparu quand j’ai commencé à resserrer mes cadrages sur des parties du corps et à désaxer mon regard. Je me suis rendue compte que l’on peut voir beaucoup de choses dans le noir. Le noir donne de la présence au corps, il l’enveloppe, le soutient, le porte littéralement et laisse s’échapper un pied, une main... Le vide est une autre façon de libérer cet imaginaire, il donne une autre perspective, une autre dynamique à l’image.

J’aime cadrer mon sujet de façon à suggérer un hors-champ, ce qui m’amène à amputer les corps ou à les placer à une extrémité de l’image. En outre, je me positionne toujours en diagonal face à un sujet, j’ai ainsi plus de perspectives et de volume que si j’abordais la scène de face. J’y ajoute souvent une désaxe pour perturber la verticalité et l’horizontalité. Mes cadres créent ainsi des déséquilibres et c’est là que j’ai le sentiment d’entrer dans l’intime, c’est là, de mon point de vue, que l’image ne ment pas.


J’aspire enfin à expérimenter de multiples matières pour imprimer ou projeter mes photographies. Ainsi, le film repositionnable que je colle sur du carton plume apporte une douceur étonnante, comme une pellicule de peau. Il aide à redonner une dimension vivante, une texture aux photos et aux impressions numériques. J’imprime sur des bâches qui ressemblent à du lin, donnant une impression de tableau à l’image. J’utilise aussi l’impression sur tôle et je la déforme ou la martèle.